SUCCESS STORY : BRUN DE VIAN-TIRAN - ISLE SUR SORGUE
Manufacture lainière : Made in Provence
Fondée en 1808 par Laurent Vian et Charles Tiran, qui ont transformé une taillanderie en moulin paroir (un lieu où l'on foulait les étoffes), Brun de Vian-Tiran vend aujourd'hui des étoles, écharpes, tapis d'Avignon, couvertures, plaids, couettes et oreillers dans le monde entier. A la base de cette réussite, les 3 Q : la qualité, la qualité et la qualité.
En matière de filature, l'Isle-sur-Sorgue a un passé généreux. Il y a trois siècles, on y foulait ardemment les étoffes grâce à la terre argileuse qui dégraisse et lubrifie, et grâce aussi et surtout à l'eau apportée en abondance par le Fontaine de Vaucluse, la deuxième résurgence du monde après celle des USA. On y apprêtait la laine et la soie. Quelque soixante petits moulins, des filateurs, des tisseurs et des "paradous" (du lat parare : apprêter), battaient de l'aile sur une activité ô combien pérenne. Là naît toute l'histoire de Laurent Vian et Charles Tiran qui, en 1808, fondent leur entreprise dans une petite contrée provençale, riche et libre, et qui, du fait de son appartenance au Saint-Empire et pas à l'Etat français, jouit d'un statut fiscal fabuleux et d'atouts naturels exceptionnels.
Revenons à nos moutons
On y cultive le chardon, on y extrait l'argile, on y trouve la garance pour la teinture rouge très appréciée de la gente papale, les moutons y donnent une laine plus fine que celle des moutons "français". Et puis, et surtout, l'Isle constitue un terminal de la Route de la Soie, offraant aux artisans des matières nobles et rares, enviées par les rois de France.
Au XIXe siècle, l'artisanat fait sa révolution industrielle. On mécanise la filature, on crée des moulins dans la vallée. Des fouloirs, on passe aux métiers à tisser et la petite entreprise Vian-Tiran devient une manufacture intégrée, évolue comme telle puis décline après la crise économique de 1929.
En 1932 Louis Brun - il n'a alors que dix-sept ans - lance la société moribonde dans la fabrication du tissu "pantoufle" vendu aux fabricants de Charentaises (ces pantoufles dont la notoriété de solidité est encore vivace), de couvertures pour l'Armée qui s'apprête à faire front à la deuxième Guerre Mondiale. Bien vu ! La relance est immédiate. "La Maison Brun de Vian-Tiran passe de 7 à 50 salariés. Elle est aujourd'hui leader français de la couverture naturelle de literie" raconte Jean-Louis Brun, le petit-fils de Louis, aujourd'hui directeur général de la manufacture lainière.
20% du chiffre d'affaires se fait à l'export : Italie, Espagne, USA, Grande-Bretagne, Japon, Corée, Taïwan et Hong-Kong. 70% de la fabrication sont des couvertures, 15% des plaids, 15% des couettes, le tout destiné uniquement à des magasins de Blanc, 1500 au total dont tous les Grands magasins parisiens. 'C'est du haut-de-gamme, les matières sont précieuses : de la laine, du mérinos acheté en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Amérique du Sud. Du mohair d'Afrique du Sud, de l'alpaga du Pérou, du lama de Bolivie, du chameau d'Asie ou du Turkménistan - la Rolls Royce des chameaux -, du cachemire d'Afghanistan, du Kazakstan, d'Iran ou de Chine, du Yack de Mongolie extérieure, du bouquetin de Sibérie" poursuit Jean-Louis Brun. Le tout étant cardé, filé, tissé et apprêté dans la manufacture de l'Isle-sur-la-Sorgue, construite en 1830 et qui s'étale désormais sur 1 hectare. Les oreillers et sur-matelas étant fabriqués dans une usine du Thor.
Rester français
Jaloux de la finesse des draps de soie des Italiens, Louis XVI s'était mis en tête de croiser les moutons français avec des mérinos. Cela ne se fera réellement qu'au XXe, après les années Trente, où les croisements s'effectuent surtout pour obtenir de plus gros moutons et donc plus de viande. En 1990, pour retrouver la finesse du cachemire d'Iran (19 microns), Pierre Brun, le père de Jean-Louis, se met en tête de retrouver en PACA les élevages de mérinos non croisés. 2000 subsistent encore. Des éleveurs - 12 au total - jouent le jeu de la qualité avec la société Brun de Vian-Tiran qui crée la collection "Camargue", une pléiade de couvertures, plaids, couettes, sur-matelas, oreillers et châles à partir des laines les plus frisées, les plus légères, les plus chaudes. L'essentiel pour les manufacturiers islois étant de rester français, rattachés à la caste des Métiers d'art français. "Notre approche, c'est la confiance ! Nous disposons d'un service après-vente imbattable et d'une réactivité à toute épreuve" précise Jean-Louis Brun. Raison pour laquelle leurs filières sont prestigieuses : l'hôtellerie de luxe (le Royal Evian, le Carlton à Nice, les Radisson en Europe), le yachting, les mariages princiers (celui du prince Felipe d'Espagne), les bâtiments d'Etat (l'Elysée entre autres). Le projet ? Développer l'export malgré la crise et toujours et encore se recentrer sur leurs fondamentaux, leurs valeurs initiales, leur ADN : la responsabilité jusqu'au bout.
A broder : pas de problème !
Sources : Dynamiques Vaucluse - Octobre 2010